Le pape François n'est pas le pape, d'après Andrea Cionci

Le livre Codex Ratzinger d'Andrea Cionci est devenu un succès éditorial, si l'on considère qu'il est publié par un petit éditeur : plus de 5 000 exemplaires vendus en seulement deux mois. Des traductions sont prévues pour sortir en quatre langues : anglais, français, allemand et espagnol.

La thèse d'Andrea Cionci peut être résumée comme suit : Ratzinger est toujours le seul pape, Bergoglio est au contraire le pontife illégitime c'est-à-dire un anti-pape. Et ce concept ne repose pas sur une conspiration fumeuse, mais sur l'interprétation (amphibologique, c'est-à-dire souvent ambiguë) des documents et des témoignages de Benoît XVI, à commencer par la Declaratio du 11 février 2013 par laquelle Ratzinger aurait formalisé sa démission.

Les catholiques opposés au Pape François ne manquent pas. Par exemple Monseigneur Vigano dénonce la façon dont François a couvert les agissements du cardinal américain McCarrick, l'ex-archevêque de Washington coupable d'abus sexuels sur mineurs et sur des séminaristes adultes, dégradé de l'épiscopat et renvoyé de l'état clérical par François de façon très tardive.

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Pour en revenir à la thèse de Cionci, elle s'appuie sur l'avis de théologiens et de juristes faisant autorité. Elle s'énonce ainsi: Benoît XVI n'a jamais renoncé à son rôle et à son titre dans sa déclaration du 11 février 2013, mais a seulement renoncé à l'exercice de ses fonctions. Du coup qui est le pape actuel?

Tout tourne autour de la différence entre les termes munus et ministerium, qui apparaissent dans la Decalaratio et se traduisent tous deux par "ministère". En lisant attentivement le texte original, on découvre que Ratzinger déclare qu'il "renonce au ministère d'évêque de Rome", c'est-à-dire "faire le pape", mais il ne renonce jamais à être pape (der munus) et se limite à dire ceci : "Mes pouvoirs ne sont plus aptes à exercer correctement le Munus pétrinien".

Par conséquent, Benoît XVI reste Pape, même s'il renonce à ses fonctions. Il ne devient pas non plus pape émérite, compris comme "pape retraité" (l'institution n'existe pas juridiquement), mais émérite au sens d'émérite, "ayant le droit" d'être pape.

Ceci, prévient Cionci, sera clarifié dans deux autres passages de la Declaratio si la traduction est correcte. Ratzinger utilise le verbe vacet pour parler non pas d'un "siège vacant" indiquant qu'après le conclave le siège papal est prêt à recevoir un nouveau pape, mais d'un siège "vide" de sorte que son propriétaire légitime n'est pas présent mais que celui qui l'occupe devient l'usurpateur François.

C'est le concept d'un "siège obstrué" par des facteurs internes et externes (les ennemis de Ratzinger au Vatican se mutinent contre son pontificat et des puissances hostiles à l'extérieur de l'Église) qui invalide toute élection des successeurs putatifs du pape.

Pas de problème, la porte est ouverte : Le pape François dérange le Vatican. Ce concept apparaît clairement dans le dernier passage de la Déclaration, où Ratzinger parle de convoquer "un conclave pour l'élection du nouveau pape par ceux à qui il appartient". Benoît XVI n'utiliserait pas ici le terme générique de "cardinaux", car il ne se référerait qu'aux cardinaux légitimes nommés par Ratzinger ou Wojtyla avant 2013, à l'exclusion des illégitimes nommés par le nouveau "prétendu" pape (François).

Ou bien, nous explique Cionci, il pourrait faire allusion à la possibilité que "la communauté des croyants, l'église des catacombes, nomme le nouveau pape, comme cela s'est produit aux origines du christianisme". Avec cela, Ratzinger garantirait une véritable Église catholique, mais maintenant "de la synagogue". En outre, le message de Benoît XVI. a eu un effet différé (il a quitté le trône papal 17 jours plus tard) et n'a pas été confirmé par une démission formelle écrite le jour de son départ, le 28 février : ces deux aspects contribueraient à sa supposée démission du pontificat.

Une thèse fantaisiste et religieuse ? Il est légitime de penser ainsi. Mais Cionci affirme le bien-fondé de l'idée, en s'appuyant sur les communications de Benoît XVI, écrites et prononcées dans un langage qu'il définit comme le "code Ratzinger", fait de non-dits et de vérités à peine voilées, mais jamais de mensonges . Benoît XVI aurait trouvé une "blague" ingénieuse, malgré de nombreuses résistances et incompréhensions.

D'où l'utilisation de quelques astuces rhétoriques plus ou moins explicites : par exemple, dire que " le pape est unique " sans jamais préciser lequel, ou écrire : " aucun pape n'a démissionné au cours des mille dernières années et n'a été au premier millénaire un pape d'exception " : une référence aux deux papes du premier millénaire qui ont été chassés par des anti-papes.

On peut se demander pourquoi personne n'a jamais démenti l'auteur, pas même Benoît XVI lorsque Cionci lui a écrit une lettre...

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Aix en Provence, le mardi 9 août 2022

Michel Campillo
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